Colloque sentimental
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont
tout à l’heure passé.
Leurs yeux sont
morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à
peine leurs paroles.
Dans le vieux
parc solitaire et glacé
Deux spectres
ont évoqué le passé.
— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi
voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?
— Ton cœur
bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu
mon âme en rêve ? — Non.
— Ah ! Les
beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.
— Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils
marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule
entendit leurs paroles.
Coloquio sentimental
Por el viejo parque solitario y helado
dos formas han pasado hace un instante.
Muertos están sus ojos y fláccidos sus labios,
y casi no se escuchan sus palabras.
Por el viejo parque solitario y helado
dos espectros evocan el pasado.
— ¿Recuerdas tú nuestra antigua pasión?
— ¿Y por qué queréis que la recuerde?
— ¿Late tu corazón tan sólo con mi nombre?
¿Todavía contemplas en sueños mi alma? — No.
— ¡Ah, los días hermosos de indecible ventura
en los que confundíamos los labios! — Es posible.
— ¡Cuán azul era el cielo y grande la esperanza!
— La esperanza, vencida, ha huido al cielo negro.
Tales iban andando por entre malas hierbas,
y tan sólo la noche escuchó sus palabras.
Colloque sentimental, poema de Paul Verlaine
Dos versiones por Léo Ferré y Philippe Jaroussky